Récapitulatif des bonus

Critique rédigée le 19/08/2008.

Livre un peu atypique pour moi, puisque j'avais jusque là uniquement lu des livres sur la "théorie" du jeu. Je n'en avais jamais eu d'écho et ne savais donc pas à quoi m'attendre.

L'auteur
Titulaire d'un doctorat de psychologie du travail, Alan N. SCHOONMAKER a été chercheur puis enseignant, a dirigé le développement du management de Merrill Lynch et, par la suite, a parcouru le monde en travaillant comme consultant.
Ce n'est pas un joueur de poker professionnel et il ne battrait probablement pas les grosses tables.
Il s'est intéressé aux "petites" tables de poker pour la diversité des joueurs qu'on y rencontre (plus intéressant pour son étude psychologique des joueurs) et parce qu'il recherche plus le divertissement que la maximisation de son gain lorsqu'il joue au poker.
Le livre ne vous décrit donc pas comment jouent les pros mais comment jouent les joueurs lambda. Ou plutôt POURQUOI ils jouent ainsi.

Le Livre
Le livre traite de psychologie mais aussi de stratégie.
=>Psychologie
----->Il est demandé au lecteur de se livrer à une introspection: il devra notamment définir les raisons pour lesquelles il joue au poker (par exemple à 50% pour gagner de l'argent, 20% pour socialiser, etc...) et plus tard l'auteur lui indiquera si, selon son profil de joueur, il n'y a pas du déni dans ce qu'il indique comme raisons pour jouer au poker (par exemple si un joueur loose passive dit que, s'il joue au poker, c'est à 80% parce qu'il veut gagner de l'argent, alors il est dans le déni de la réalité). Il devra aussi indiquer (notes de 1 à 9) s'il pense avoir une bonne lecture de ses adversaires et s'il a une grande confiance en son jugement. On peut par exemple mettre son prudent adversaire sur le jeu max et tout de même caller son tapis par peur que "cette fois il bluffe" (bonne lecture/faible confiance).

----->Les 4 grand types de joueurs (TAG, TP, LAG et LP) correspondent à des profils psychologiques différents. Comment, à l'attitude d'un joueur, peut on avoir des indications sur sa façon de jouer?

----->Les qualités qui font un grand champion ne sont pas "naturelles". Elles sont été obtenues par le travail et correspondent à un profil psychologique qui peut être inadapté à d'autres domaines, notamment la vie en société.
J'ai bien aimé cette idée que, comme dans beaucoup de sports probablement, le geste/l'attitude naturel n'est pas celui qui produit les meilleurs résultats. Le champion est quelqu'un qui a appris à agir en marge de ce qui semble naturel au plus grand nombre.

=>Stratégie
Le gros du propos repose sur la capacité à:
----->Caractériser ses adversaires dans un classement du type Loose Aggressive/Loose Passive/Tight Passive/Tight Aggressive. Il s'agit classiquement de placer les joueurs sur un plan (agressivité en abcisse, sélectivité en ordonnée) en leur donnant une note en forme de doublet (x; y) avec x et y compris entre 1 et 9.
L'auteur indique deux méthodes pour noter ses adversaires:
->Soit on assigne à chaque joueur un doublet de notes.
->Soit on définit des joueurs types: je joue souvent avec Pierre, je l'ai identifié comme un (3;1) (Tight Passive) et ce nouveau joueur est du type de Pierre.
Il indique les points à observer pour plus finement classifier un joueur.
J'ai regretté que la caractérisation des joueurs soit si basique: il aurait fallu ajouter un axe "compétence" (voir mon article sur les types de joueurs. ).
Ainsi, tout au long du livre, l'auteur cite le style "tight aggressive" comme la référence en terme d'efficacité mais on peut très bien être un TAGFish (on joue serré et agressif, mais MAL).
Ce qui fait un bon joueur n'est pas tellement le nombre de mains qu'il joue mais son "intelligence de jeu". Il y a tellement de mains dont le winrate est marginal (ça se voit avec pokertracker) que deux joueurs peuvent avoir le même winrate alors que l'un joue 50% de mains de plus que l'autre.
----->Adapter sa façon de jouer selon le type des adversaires.
----->Modifier sa façon de jouer si l'on a un profil de joueur qui ne convient pas à ses attentes (exemple: on joue LP alors qu'on veut gagner de l'argent).

Les chapitres 4 à 7 étudient chacun un des 4 styles de jeu et présentent la même structure, ce qui fait que leur lecture n'est pas toujours très "passionnante", étant donné qu'on a l'impression de relire par moments le même powerpoint avec quelques mots qui ont changé :(.

Remarquons que, à la différence d'un livre classique où l'on définit la façon dont il faut jouer uniquement selon le critère de maximisation du gain, l'auteur prend ici en compte le profil psychologique du lecteur (si vous êtes LAG et souhaitez continuer à obtenir votre dose d'adrénaline mais en diminuant votre perte d'argent, alors choisissez tels types d'adversaires et apportez les modifications suivantes à votre façon de jouer...).
On ne joue clairement pas uniquement pour gagner de l'argent et j'ai apprécié de trouver un livre qui parlait de cette évidence si souvent ignorée.
Tenez, j'ai été dernièrement au casino pour jouer au poker. A ma droite un "nit". Peut être parce qu'il avait remarqué que je passais comme lui plus de temps à coucher des mains qu'à en jouer, il a ressenti le besoin de me faire part de ce qu'il pensait des touristes qui venaient s'essayer au poker.
C'est quelquefois fatiguant de toujours répéter la même chose à ces "joueurs": on ne peut pas d'un côté rechercher des joueurs à plumer et d'un autre se moquer d'eux dès qu'ils se présentent (le but étant je suppose d'inciter les pigeons à ne jamais recaver pour au final se retrouver à jouer avec 3 pros en short handed???).
Est t'il si difficile pour un nit qui a du lire quelques bouquins et fréquenter quelques forums de poker de se creuser une nouvelle fois les méninges pour arriver à la conclusion suivante: on peut voir le poker comme un simple divertissement et accepter d'y perdre 100€ par mois, comme on les perdrait en jouant aux machines à sous?
Au final, qui est le plus ridicule dans un cercle parisien: le vieux qui lâche 500€ à la 1/2 parce qu'il joue tous les tirages? Ou le jeune crétin qui grinde 4h tous les soirs après le boulot pour gagner 50 ou 100€?
Le vieux qui lâche ses 500€ a peut être intelligement passé plus de temps à développer son entreprise qu'à "grinder" au poker pendant des années et aujourd'hui il peut se permettre de jeter quelques billets à la piétaille de temps à autres.
Pour beaucoup de gens, poker, black jack, restaurant, tout ça est égal , il s'agit dans tous les cas de s'offrir un bon moment qui, logiquement, demande de dépenser un peu d'argent.
Enfin bon, retournons au livre...
Conclusion
Finalement, même si les deux livres ne traitent pas du poker de la même façon, je vois un point commun entre "The Psychology Of Poker" et "Harrington On Hold'em". Tous deux montrent que les outils à utiliser pour devenir un vrai bon joueur (peut être pas un champion toutefois) ne sont sont pas si complexes MAIS demandent une grosse dose de travail pour être maîtrisés (qui dans une partie live pense à toujours avoir en tête la taille du pot, le nombre de joueurs dans le coup, l'action lors des précédents rounds, les mains dévoilées à la fin pour voir qui joue quoi/dans quelle position, la façon dont nos adversaires nous perçoivent etc... Pas grand monde! Et pourtant cela suffirait à battre un grand nombre de parties).
Je regrette que la partie psychologie ne soit pas plus développée dans ce livre.Il y a finalement beaucoup de conseils stratégiques qui, bien qu'intéressants, auraient pu être trouvés dans des livres du type Sklansky (d'ailleurs Sklansky est consultant en stratégie sur ce livre...).
Le livre est intéressant, il jette sur le poker un éclairage un peu différent des autres livres mais le titre "The Psychology Of Poker" aurait pu faire croire qu'il s'agissait de l'équivalent (en aussi exhaustif) de "The Theory Of Poker" mais cette fois sur la dimension psychologique du jeu. Ce n'est pas le cas. Il reste donc de la place pour un livre qui irait plus loin dans ce domaine.

Cliquer sur la couverture du livre vous amène sur la page qui lui est dédiée sur amazon.fr.